Les premières lois imprimées. Étude des actes royaux imprimés de Charles VIII à Henri II (1483-1559). [Thèse].
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Titre
Les premières lois imprimées. Étude des actes royaux imprimés de Charles VIII à Henri II (1483-1559). [Thèse].
[Thèse de l'école des chartes, 2015]
Introduction de la thèse :
Avec l’invention de Gutenberg, les pratiques scripturales et les usages de l’écrit se modifient en profondeur. L’imprimerie ne remet cependant pas immédiatement en cause l’ensemble des mécanismes médiévaux. Le changement de paradigme ne s’opère pas sans résistance. Le fonctionnement institutionnel de la monarchie, fondé sur la tradition de pratiques séculaires, constitue l’un de ces points de tension. Les intérêts de l’imprimé se confrontent aux usages monarchiques sur lesquels reposent partiellement la légitimité et l’efficacité de l’intervention royale. La production normative ne recourt pas uniquement au manuscrit pour ses vertus utilitaires de transmission et de conservation de l’information, mais incorpore aussi au document des valeurs symboliques et surtout juridiques attachées à sa forme. Par conséquent, le bouleversement formel opéré par l’imprimerie frappe de plein fouet la pratique législative. Au cours du siècle qui suit cette invention, la loi connaît d’importantes évolutions, qui résultent pour partie des effets de l’imprimerie.
Du point de vue institutionnel, le début des Temps modernes se caractérise par de profondes transformations du pouvoir législatif. Le pouvoir de faire loi bénéficie désormais d’une forte assise théorique, qui légitime l’intervention croissante du monarque. Ainsi, la législation du roi de France tend à se faire plus prégnante. Le phénomène se traduit par une production accrue de textes concernant des sujets qui échappaient auparavant à la compétence royale. Pour ce faire, le roi dispose d’une grande variété d’instruments, qui rend difficile l’appréhension de la pratique législative.
Définir la loi au début des Temps modernes relève en effet de la gageure. Non seulement le terme ne vise pas uniquement l’activité normative du monarque, mais il est complexe à circonscrire au sein des seules décisions royales. L’absence de correspondance exacte entre les caractères diplomatiques et juridiques empêche de donner à la loi des contours très précis. Il est par conséquent nécessaire de déterminer de manière claire et constante des critères de choix des actes royaux susceptibles d’être qualifiés de loi. Il faut avant tout souligner que l’ensemble des décisions du pouvoir souverain n’entre pas dans la catégorie des actes royaux. Cette nébuleuse apparaît en elle-même difficile à définir. L’historiographie contourne généralement le problème, car la monarchie n’a pas classé ses actes au sein de catégories strictes. Au regard de la diplomatique, le genre acte royal se divise en deux espèces : les lettres patentes et les actes expédiés sans l’intervention de la Chancellerie. En premier lieu, les lettres patentes se définissent comme des actes ouverts avec un sceau pendant, qui comprennent une suscription, une adresse, un préambule, un dispositif, une formule exécutoire et enfin la signature du roi et des contreseings. En fonction des variations subies par ces éléments, il est possible de distinguer deux types de lettre patente. Les grandes lettres patentes sont scellées sur double queue et s’adressent « à tous présents et à venir ». Les petites lettres patentes sont, quant à elles, scellées sur simple ou double queue et disposent d’une adresse particulière ou collective. En second lieu, les actes expédiés sans l’intervention de la Chancellerie renferment aussi une large variété de décisions royales. Face à la lourdeur procédurale des lettres patentes, des actes aux cadres moins rigides font leur apparition au cours du Moyen Âge et de l’Ancien Régime. C’est en particulier le cas des ordonnances sans adresse ni sceau et des lettres closes. Enfin, il faut noter que les arrêts du Conseil du roi ne sont pas compris dans la catégorie des actes royaux, bien qu’il s’agisse d’un mode à part entière (et fondamental) d’intervention royale dans l’ordre juridique. Plus précisément, seuls sont classés parmi les actes royaux les arrêts du Conseil revêtus de lettres patentes.
La catégorie des actes royaux est donc particulièrement étendue. Un dépouillement exhaustif des actes royaux imprimés encore conservés demanderait des moyens considérables. Outre la masse des documents, même pour une période de moins d’un siècle, les lacunes des instruments de recherche et la faiblesse de l’historiographie compliquent la tâche du chercheur. Tout d’abord, il n’existe aucun outil permettant de connaître l’ensemble de la législation de l’Ancien Régime. En l’absence d’une procédure centralisée de conservation des actes royaux, ces derniers figurent actuellement de manière dispersée dans une multitude d’institutions. Des entreprises ont bien été menées pour tenter de résoudre cette difficulté, mais elles demeurent lacunaires, qu’il s’agisse de la collection des Ordonnances des rois de France ou du Recueil des anciennes lois françaises d’Isambert. Il faut ensuite relever que si l’évolution générale du pouvoir législatif au début des Temps modernes est désormais assez bien connue, les effets induits par l’invention de Gutenberg n’ont en revanche été que très peu étudiés en eux-mêmes.
Par conséquent, l’étude des premières lois imprimées cherche à envisager la question dans sa globalité, en ne privilégiant ni les aspects d’histoire du livre ni ceux d’histoire du droit. Les deux éléments sont étroitement liés : alors que la monarchie exerce dès l’origine une surveillance des imprimés en circulation, la parution de ses décisions par des éditeurs privés entraîne une transformation de ses propres pratiques. Le choix consiste à analyser la genèse du phénomène et ses premiers développements. Il s’agit donc de s’interroger sur les rapports entre l’apparition d’un marché des actes royaux imprimés et le processus législatif. L’impression de la législation a en effet produit une véritable impression sur la législation, et ce dès le début de l’époque moderne.
[Thèse de l'école des chartes, 2015]
Introduction de la thèse :
Avec l’invention de Gutenberg, les pratiques scripturales et les usages de l’écrit se modifient en profondeur. L’imprimerie ne remet cependant pas immédiatement en cause l’ensemble des mécanismes médiévaux. Le changement de paradigme ne s’opère pas sans résistance. Le fonctionnement institutionnel de la monarchie, fondé sur la tradition de pratiques séculaires, constitue l’un de ces points de tension. Les intérêts de l’imprimé se confrontent aux usages monarchiques sur lesquels reposent partiellement la légitimité et l’efficacité de l’intervention royale. La production normative ne recourt pas uniquement au manuscrit pour ses vertus utilitaires de transmission et de conservation de l’information, mais incorpore aussi au document des valeurs symboliques et surtout juridiques attachées à sa forme. Par conséquent, le bouleversement formel opéré par l’imprimerie frappe de plein fouet la pratique législative. Au cours du siècle qui suit cette invention, la loi connaît d’importantes évolutions, qui résultent pour partie des effets de l’imprimerie.
Du point de vue institutionnel, le début des Temps modernes se caractérise par de profondes transformations du pouvoir législatif. Le pouvoir de faire loi bénéficie désormais d’une forte assise théorique, qui légitime l’intervention croissante du monarque. Ainsi, la législation du roi de France tend à se faire plus prégnante. Le phénomène se traduit par une production accrue de textes concernant des sujets qui échappaient auparavant à la compétence royale. Pour ce faire, le roi dispose d’une grande variété d’instruments, qui rend difficile l’appréhension de la pratique législative.
Définir la loi au début des Temps modernes relève en effet de la gageure. Non seulement le terme ne vise pas uniquement l’activité normative du monarque, mais il est complexe à circonscrire au sein des seules décisions royales. L’absence de correspondance exacte entre les caractères diplomatiques et juridiques empêche de donner à la loi des contours très précis. Il est par conséquent nécessaire de déterminer de manière claire et constante des critères de choix des actes royaux susceptibles d’être qualifiés de loi. Il faut avant tout souligner que l’ensemble des décisions du pouvoir souverain n’entre pas dans la catégorie des actes royaux. Cette nébuleuse apparaît en elle-même difficile à définir. L’historiographie contourne généralement le problème, car la monarchie n’a pas classé ses actes au sein de catégories strictes. Au regard de la diplomatique, le genre acte royal se divise en deux espèces : les lettres patentes et les actes expédiés sans l’intervention de la Chancellerie. En premier lieu, les lettres patentes se définissent comme des actes ouverts avec un sceau pendant, qui comprennent une suscription, une adresse, un préambule, un dispositif, une formule exécutoire et enfin la signature du roi et des contreseings. En fonction des variations subies par ces éléments, il est possible de distinguer deux types de lettre patente. Les grandes lettres patentes sont scellées sur double queue et s’adressent « à tous présents et à venir ». Les petites lettres patentes sont, quant à elles, scellées sur simple ou double queue et disposent d’une adresse particulière ou collective. En second lieu, les actes expédiés sans l’intervention de la Chancellerie renferment aussi une large variété de décisions royales. Face à la lourdeur procédurale des lettres patentes, des actes aux cadres moins rigides font leur apparition au cours du Moyen Âge et de l’Ancien Régime. C’est en particulier le cas des ordonnances sans adresse ni sceau et des lettres closes. Enfin, il faut noter que les arrêts du Conseil du roi ne sont pas compris dans la catégorie des actes royaux, bien qu’il s’agisse d’un mode à part entière (et fondamental) d’intervention royale dans l’ordre juridique. Plus précisément, seuls sont classés parmi les actes royaux les arrêts du Conseil revêtus de lettres patentes.
La catégorie des actes royaux est donc particulièrement étendue. Un dépouillement exhaustif des actes royaux imprimés encore conservés demanderait des moyens considérables. Outre la masse des documents, même pour une période de moins d’un siècle, les lacunes des instruments de recherche et la faiblesse de l’historiographie compliquent la tâche du chercheur. Tout d’abord, il n’existe aucun outil permettant de connaître l’ensemble de la législation de l’Ancien Régime. En l’absence d’une procédure centralisée de conservation des actes royaux, ces derniers figurent actuellement de manière dispersée dans une multitude d’institutions. Des entreprises ont bien été menées pour tenter de résoudre cette difficulté, mais elles demeurent lacunaires, qu’il s’agisse de la collection des Ordonnances des rois de France ou du Recueil des anciennes lois françaises d’Isambert. Il faut ensuite relever que si l’évolution générale du pouvoir législatif au début des Temps modernes est désormais assez bien connue, les effets induits par l’invention de Gutenberg n’ont en revanche été que très peu étudiés en eux-mêmes.
Par conséquent, l’étude des premières lois imprimées cherche à envisager la question dans sa globalité, en ne privilégiant ni les aspects d’histoire du livre ni ceux d’histoire du droit. Les deux éléments sont étroitement liés : alors que la monarchie exerce dès l’origine une surveillance des imprimés en circulation, la parution de ses décisions par des éditeurs privés entraîne une transformation de ses propres pratiques. Le choix consiste à analyser la genèse du phénomène et ses premiers développements. Il s’agit donc de s’interroger sur les rapports entre l’apparition d’un marché des actes royaux imprimés et le processus législatif. L’impression de la législation a en effet produit une véritable impression sur la législation, et ce dès le début de l’époque moderne.
Auteur
PRÉVOST, Xavier
Année
2015
Type
Thèse
Titre court
Ordonnances et législations royales française
Imprimeurs - Imprimeries
Diplomatique
Lettres patentes
XVe, XVIe
Imprimeurs - Imprimeries
Diplomatique
Lettres patentes
XVe, XVIe