Le fort portant le faible : un adage de l'ancien droit fiscal saisi par la doctrine (1549-1600). [Thèse].
Item
Titre
Le fort portant le faible : un adage de l'ancien droit fiscal saisi par la doctrine (1549-1600). [Thèse].
[Thèse de doctorat, Histoire du droit, Toulouse, 2022].
Résumé de la thèse :
« Le fort portant le faible » est une règle de péréquation qui apparaît dans les actes souverains au mitan du XIVe siècle. Métaphore emblématique de l’idéologie royaliste, elle l’est aussi du principe de personnalité de l’impôt et des juridictions d’élection. Contrairement à l’assise réelle des prélèvements, les tailles personnelles pèsent sur les personnes « selon leurs facultés ». Ce terme pose la question des capacités contributives. Le droit français ne reconnaît que des biens corporels – meubles et immeubles – alors que l’idée de faculté évoque une qualité subjective – comme la liberté (Florentin D. 1, 5, 4) – qui invite à considérer la dignité et la pauvreté des contribuables : aussi l’état de précarité est-il une juste cause aux dégrèvements et aux exemptions. Les « facultés » répondent au principe de destination qui préside d’ordinaire au statut du numéraire : immeuble pour l’acquisition d’un « héritage » ; meuble pour l’achat d’un cheptel. Mais qu’en est-il si cet argent est destiné aux dépenses alimentaires et domestiques ? Le superflu des uns doit alors payer pour le nécessaire des autres. Principe de péréquation, « le fort portant le faible » marque aussi l’institution de la solidarité fiscale avec la substitution d’un impôt de quotité par celui de répartition. La charge de la taille personnelle repose en effet <i>in solidum</i> sur les « corps » des paroisses et en cas de non-valeurs « il faut faire porter au puissant la décharge du faible ». La doctrine des communautés de mainmorte précise la cause de cette obligation solidaire : outre la répartition « le fort portant le faible » de l’impôt seigneurial (art. 126), les coutumes de La Marche énoncent que cet écot ne doit pas franchir le seuil en-deçà duquel les contribuables seraient réduits à l’indigence (art. 129). La communauté forme en effet une « espèce de fraternité » or le frère, dit Ulpien (D. 17, 2, 63), ne peut pas exécuter son frère au-delà de ses « facultés » (<i>quod facere potest</i>) : la solvabilité du premier répond donc de l’insolvabilité du second. La rigidité du statut de mainmorte inscrit ces communautés au rang de « corps universel » au même titre que les paroisses et les républiques ; la mainmorte apparaît en effet comme la conséquence patrimoniale de l’<i>universitas</i>. Le « corps universel » conjugue deux notions complémentaires : l’« universel » exprime une transcendance à travers le temps illustrée en droit successoral par la maxime « le mort saisit le vif » ; le « corps » évoque une solidarité sociale illustrée en droit fiscal par l’adage « le fort porte le faible ». Ces deux maximes possèdent une même forme qui est celle d’un interdit : une interposition entre deux termes en contradiction. « Le mort saisit le vif » appartient en effet à la doctrine des interdits possessoires et, au-delà, de l’institution fiscale de l’État, « le fort porte le faible » apparaît aussi comme un interdit constitutif du « droit françois » qui émerge des guerres civiles dans le grand œuvre de systématisation des juristes étudiés. Les deux solidarités – verticale et horizontale – du « corps universel » s’entretiennent au registre de la convivialité. La règle « à même pain et à même pot » est en effet l’expression d’une sociabilité « taisible » qui conditionne la succession des corps de mainmorte et plus généralement des communautés coutumières. Ces communautés ont été interdites en février 1566 par l’ordonnance de Moulins contre le sentiment des juristes de droit coutumier qui étaient trop marqués par les massacres des guerres civiles pour ne pas comprendre que tout « corps » est le dépositaire de significations socialement opérantes en dehors des solennités de droit. La paroisse est moins une communauté légale qu’une communauté coutumière dont le caractère fraternel est signifié par un trait d’esprit humaniste : « Le puits fait la fratrie » (<i>phrear unde phratrias</i>). L’existence d’un bien commun (<i>res publica</i>) préside alors à la fraternité civile et donc à la solidarité fiscale.
[Thèse de doctorat, Histoire du droit, Toulouse, 2022].
Résumé de la thèse :
« Le fort portant le faible » est une règle de péréquation qui apparaît dans les actes souverains au mitan du XIVe siècle. Métaphore emblématique de l’idéologie royaliste, elle l’est aussi du principe de personnalité de l’impôt et des juridictions d’élection. Contrairement à l’assise réelle des prélèvements, les tailles personnelles pèsent sur les personnes « selon leurs facultés ». Ce terme pose la question des capacités contributives. Le droit français ne reconnaît que des biens corporels – meubles et immeubles – alors que l’idée de faculté évoque une qualité subjective – comme la liberté (Florentin D. 1, 5, 4) – qui invite à considérer la dignité et la pauvreté des contribuables : aussi l’état de précarité est-il une juste cause aux dégrèvements et aux exemptions. Les « facultés » répondent au principe de destination qui préside d’ordinaire au statut du numéraire : immeuble pour l’acquisition d’un « héritage » ; meuble pour l’achat d’un cheptel. Mais qu’en est-il si cet argent est destiné aux dépenses alimentaires et domestiques ? Le superflu des uns doit alors payer pour le nécessaire des autres. Principe de péréquation, « le fort portant le faible » marque aussi l’institution de la solidarité fiscale avec la substitution d’un impôt de quotité par celui de répartition. La charge de la taille personnelle repose en effet <i>in solidum</i> sur les « corps » des paroisses et en cas de non-valeurs « il faut faire porter au puissant la décharge du faible ». La doctrine des communautés de mainmorte précise la cause de cette obligation solidaire : outre la répartition « le fort portant le faible » de l’impôt seigneurial (art. 126), les coutumes de La Marche énoncent que cet écot ne doit pas franchir le seuil en-deçà duquel les contribuables seraient réduits à l’indigence (art. 129). La communauté forme en effet une « espèce de fraternité » or le frère, dit Ulpien (D. 17, 2, 63), ne peut pas exécuter son frère au-delà de ses « facultés » (<i>quod facere potest</i>) : la solvabilité du premier répond donc de l’insolvabilité du second. La rigidité du statut de mainmorte inscrit ces communautés au rang de « corps universel » au même titre que les paroisses et les républiques ; la mainmorte apparaît en effet comme la conséquence patrimoniale de l’<i>universitas</i>. Le « corps universel » conjugue deux notions complémentaires : l’« universel » exprime une transcendance à travers le temps illustrée en droit successoral par la maxime « le mort saisit le vif » ; le « corps » évoque une solidarité sociale illustrée en droit fiscal par l’adage « le fort porte le faible ». Ces deux maximes possèdent une même forme qui est celle d’un interdit : une interposition entre deux termes en contradiction. « Le mort saisit le vif » appartient en effet à la doctrine des interdits possessoires et, au-delà, de l’institution fiscale de l’État, « le fort porte le faible » apparaît aussi comme un interdit constitutif du « droit françois » qui émerge des guerres civiles dans le grand œuvre de systématisation des juristes étudiés. Les deux solidarités – verticale et horizontale – du « corps universel » s’entretiennent au registre de la convivialité. La règle « à même pain et à même pot » est en effet l’expression d’une sociabilité « taisible » qui conditionne la succession des corps de mainmorte et plus généralement des communautés coutumières. Ces communautés ont été interdites en février 1566 par l’ordonnance de Moulins contre le sentiment des juristes de droit coutumier qui étaient trop marqués par les massacres des guerres civiles pour ne pas comprendre que tout « corps » est le dépositaire de significations socialement opérantes en dehors des solennités de droit. La paroisse est moins une communauté légale qu’une communauté coutumière dont le caractère fraternel est signifié par un trait d’esprit humaniste : « Le puits fait la fratrie » (<i>phrear unde phratrias</i>). L’existence d’un bien commun (<i>res publica</i>) préside alors à la fraternité civile et donc à la solidarité fiscale.
Auteur
LE GONIDEC, Arnaud
Année
2022
Type
Thèse
Pages
Doctrines fiscales
Adages
Législation fiscale
Justice fiscale
Doctrines juridiques
Droit coutumier
Droit romain
Impôts - Fiscalité
Justice fiscale
Taille personnelle
Mainmorte
XVIe
Adages
Législation fiscale
Justice fiscale
Doctrines juridiques
Droit coutumier
Droit romain
Impôts - Fiscalité
Justice fiscale
Taille personnelle
Mainmorte
XVIe