Commenter l’ordonnance de Villers-Cotterêts (1539-1681). [Thèse].
Contenu
Titre
Commenter l’ordonnance de Villers-Cotterêts (1539-1681). [Thèse].
[Thèse de l'École des chartes, 2018].
Introduction de la thèse :
Hors les codifications du Grand Siècle et celles du Premier Empire, il est peu de lois qui aient frappé l’imaginaire collectif des Français avec une force comparable à celle de l’ordonnance de Villers-Cotterêts (1539), dont l’écho est toujours audible près de cinq siècles après sa promulgation. Que ce soit par le Conseil constitutionnel, la Cour de cassation ou le Conseil d’État, cette ordonnance est le dernier texte législatif de l’ancien droit à être invoqué, aujourd’hui encore, par les cours de justice de la Ve République. L’ordonnance de François Ier apparaît en effet comme l’un des mythes fondateurs de la République, en raison de son article 111, réputé avoir imposé l’usage de la langue française dans l’ensemble des actes juridiques. À Jean Bodin qui, à la fin du XVIe siècle, voyait dans cet article l’une des vraies marques de la souveraineté, répond aujourd’hui le premier alinéa de l’article 2 de la Constitution de 1958, qui fait de la langue française la langue de la République, et qui est inscrit sous le titre I précisément consacré à la souveraineté. Aussi l’ordonnance de Villers-Cotterêts apparaît-elle sous la forme d’un mythe forgé au cours des siècles par un ensemble d’écrits et d’opinions l’ayant « distrait » de ses sources ainsi que « du contexte et de la longue durée de sa temporalité », pour reprendre les termes d’Arlette Farge à propos du concept d’événement en histoire. Elle participe de ces lieux de mémoire que sont la République et la Nation, qui ordonnent notre imaginaire collectif et balisent notre « géographie mentale ». Dès les XVIIe et XVIIIe siècles, l’ordonnance fut créditée d’avoir fait progresser le droit et la littérature par la promotion de la langue française. Le jacobinisme centralisateur du XIXe siècle vit en elle un véritable progrès ayant permis d’unifier la France par la langue, au détriment du latin et des langues régionales. Cette opinion, relayée par l’ensemble des manuels scolaires, est toujours en vigueur. Elle fut notamment agitée lors du refus du Conseil constitutionnel d’entériner la charte européenne sur les langues minoritaires.
À rebours de cette entreprise de mythification, il s’agissait de replacer l’ordonnance de Villers-Cotterêts dans son contexte historique d’élaboration, de promulgation et de réception, en prenant le contrepied d’une abondante littérature exclusivement consacrée à son article 111. En effet, l’historiographie actuelle ne fait état d’aucune étude historique ou juridique ayant pris l’intégralité du texte de l’ordonnance comme objet. On ne trouve que de rares travaux épars consacrés à l’usage de la langue française, à la réglementation du notariat, ou encore aux dispositions prises en matière de procédure criminelle. Or, l’ordonnance apparaît avant tout comme une globalité. Elle se présente sous la forme d’un ensemble de dispositions relatives aux procédures civile et criminelle des juridictions royales, ainsi que de mesures circonstanciées ayant trait à la police des métiers. Elle fut prise dans un contexte où le pouvoir de faire loi bénéficiait d’une forte assise théorique notamment forgée par les légistes au cours des derniers siècles médiévaux. Le passage de la figure du roi juge à celle du souverain législateur a fait l’objet de nombreuses études historiques et juridiques. Ce contexte favorisait ainsi l’intervention du souverain, par le biais d’ordonnances promulguées en vue de restaurer le royaume dans sa pureté originelle. Après l’ordonnance de 1499, celle de Villers-Cotterêts est l’une des premières grandes ordonnances de réformation de la première modernité, suivie de celles de Roussillon (1563), de Moulins (1566) et de Blois (1579). Ces ordonnances furent longtemps considérées par l’historiographie comme des textes dont le plan échappait à toute logique cartésienne. Il est néanmoins apparu que l’ordonnance de Villers-Cotterêts suivait un plan sans doute mûrement réfléchi par le législateur, et qui s’avère être relativement similaire à l’ensemble des ordonnances de réformation ainsi qu’au Code Michau (1629) : aux dispositions traitant des relations entre les juridictions séculières et ecclésiastiques succèdent celles consacrées aux procédures civile et criminelle des tribunaux royaux, le texte s’achevant sur des mesures de police. Il s’agissait donc de comprendre la manière dont l’intégralité de ces dispositions faisait sens auprès de juristes du XVIe siècle qui, pour faire œuvre d’exégètes, n’en demeuraient pas moins des justiciables du roi et de sa loi. Dès les premières années qui suivirent sa promulgation, l’ordonnance de Villers-Cotterêts fit en effet l’objet de nombreux commentaires de caractère protéiforme. La doctrine se présente comme un corpus résolument cohérent, évident et maîtrisable pour toute étude consacrée à une ancienne ordonnance royale. Son importance tant quantitative que qualitative dans l’ancien droit provenait de la nécessité de clarifier et de hiérarchiser les sources du droit, dans un contexte de relative évanescence de la norme juridique. L’enjeu était donc de comprendre la manière dont l’ordonnance de Villers-Cotterêts fit résonance dans le siècle qui la vit naître, par une étude systématique de son exégèse dont il s’agissait d’apprécier tant la forme que le fond. Le premier commentaire d’ordonnance fut l’œuvre de Jean Constantin, qui parut en 1545. L’ordonnance fut ensuite commentée par de nombreux auteurs, dont le dernier fut Adam Théveneau, à la charnière des XVIe et XVIIe siècles.
[Thèse de l'École des chartes, 2018].
Introduction de la thèse :
Hors les codifications du Grand Siècle et celles du Premier Empire, il est peu de lois qui aient frappé l’imaginaire collectif des Français avec une force comparable à celle de l’ordonnance de Villers-Cotterêts (1539), dont l’écho est toujours audible près de cinq siècles après sa promulgation. Que ce soit par le Conseil constitutionnel, la Cour de cassation ou le Conseil d’État, cette ordonnance est le dernier texte législatif de l’ancien droit à être invoqué, aujourd’hui encore, par les cours de justice de la Ve République. L’ordonnance de François Ier apparaît en effet comme l’un des mythes fondateurs de la République, en raison de son article 111, réputé avoir imposé l’usage de la langue française dans l’ensemble des actes juridiques. À Jean Bodin qui, à la fin du XVIe siècle, voyait dans cet article l’une des vraies marques de la souveraineté, répond aujourd’hui le premier alinéa de l’article 2 de la Constitution de 1958, qui fait de la langue française la langue de la République, et qui est inscrit sous le titre I précisément consacré à la souveraineté. Aussi l’ordonnance de Villers-Cotterêts apparaît-elle sous la forme d’un mythe forgé au cours des siècles par un ensemble d’écrits et d’opinions l’ayant « distrait » de ses sources ainsi que « du contexte et de la longue durée de sa temporalité », pour reprendre les termes d’Arlette Farge à propos du concept d’événement en histoire. Elle participe de ces lieux de mémoire que sont la République et la Nation, qui ordonnent notre imaginaire collectif et balisent notre « géographie mentale ». Dès les XVIIe et XVIIIe siècles, l’ordonnance fut créditée d’avoir fait progresser le droit et la littérature par la promotion de la langue française. Le jacobinisme centralisateur du XIXe siècle vit en elle un véritable progrès ayant permis d’unifier la France par la langue, au détriment du latin et des langues régionales. Cette opinion, relayée par l’ensemble des manuels scolaires, est toujours en vigueur. Elle fut notamment agitée lors du refus du Conseil constitutionnel d’entériner la charte européenne sur les langues minoritaires.
À rebours de cette entreprise de mythification, il s’agissait de replacer l’ordonnance de Villers-Cotterêts dans son contexte historique d’élaboration, de promulgation et de réception, en prenant le contrepied d’une abondante littérature exclusivement consacrée à son article 111. En effet, l’historiographie actuelle ne fait état d’aucune étude historique ou juridique ayant pris l’intégralité du texte de l’ordonnance comme objet. On ne trouve que de rares travaux épars consacrés à l’usage de la langue française, à la réglementation du notariat, ou encore aux dispositions prises en matière de procédure criminelle. Or, l’ordonnance apparaît avant tout comme une globalité. Elle se présente sous la forme d’un ensemble de dispositions relatives aux procédures civile et criminelle des juridictions royales, ainsi que de mesures circonstanciées ayant trait à la police des métiers. Elle fut prise dans un contexte où le pouvoir de faire loi bénéficiait d’une forte assise théorique notamment forgée par les légistes au cours des derniers siècles médiévaux. Le passage de la figure du roi juge à celle du souverain législateur a fait l’objet de nombreuses études historiques et juridiques. Ce contexte favorisait ainsi l’intervention du souverain, par le biais d’ordonnances promulguées en vue de restaurer le royaume dans sa pureté originelle. Après l’ordonnance de 1499, celle de Villers-Cotterêts est l’une des premières grandes ordonnances de réformation de la première modernité, suivie de celles de Roussillon (1563), de Moulins (1566) et de Blois (1579). Ces ordonnances furent longtemps considérées par l’historiographie comme des textes dont le plan échappait à toute logique cartésienne. Il est néanmoins apparu que l’ordonnance de Villers-Cotterêts suivait un plan sans doute mûrement réfléchi par le législateur, et qui s’avère être relativement similaire à l’ensemble des ordonnances de réformation ainsi qu’au Code Michau (1629) : aux dispositions traitant des relations entre les juridictions séculières et ecclésiastiques succèdent celles consacrées aux procédures civile et criminelle des tribunaux royaux, le texte s’achevant sur des mesures de police. Il s’agissait donc de comprendre la manière dont l’intégralité de ces dispositions faisait sens auprès de juristes du XVIe siècle qui, pour faire œuvre d’exégètes, n’en demeuraient pas moins des justiciables du roi et de sa loi. Dès les premières années qui suivirent sa promulgation, l’ordonnance de Villers-Cotterêts fit en effet l’objet de nombreux commentaires de caractère protéiforme. La doctrine se présente comme un corpus résolument cohérent, évident et maîtrisable pour toute étude consacrée à une ancienne ordonnance royale. Son importance tant quantitative que qualitative dans l’ancien droit provenait de la nécessité de clarifier et de hiérarchiser les sources du droit, dans un contexte de relative évanescence de la norme juridique. L’enjeu était donc de comprendre la manière dont l’ordonnance de Villers-Cotterêts fit résonance dans le siècle qui la vit naître, par une étude systématique de son exégèse dont il s’agissait d’apprécier tant la forme que le fond. Le premier commentaire d’ordonnance fut l’œuvre de Jean Constantin, qui parut en 1545. L’ordonnance fut ensuite commentée par de nombreux auteurs, dont le dernier fut Adam Théveneau, à la charnière des XVIe et XVIIe siècles.
Auteur
BAUD, Charles-Yung
Année
2018
Type
Thèse
Mot-clé
Ordonnances et législations royales française
Ordonnance de Villers-Cotterêts (1539)
Langue française
Notaires - Notariat
Procédure criminelle
Police des métiers
XVIe
Ordonnance de Villers-Cotterêts (1539)
Langue française
Notaires - Notariat
Procédure criminelle
Police des métiers
XVIe