Peut-on parler d'une doctrine augustinienne du pouvoir politique?
Contenu
Titre
Peut-on parler d'une doctrine augustinienne du pouvoir politique?
Auteur
BONGERT, Yvonne
Résumé
Si les événements qui ont marqué la vie de saint Augustin ont pu l'amener à prendre parfois des positions pouvant être qualifiées de politiques et que celles-ci ont trouvé leur expression dans ses ouvrages, elles ont varié selon les circonstances. D'autre part les nécessités de son apostolat, les nombreuses controverses auxquelles les hérésies l'ont obligé à prendre part et les lourdes charges de son ministère ne lui ont pas permis, l'eût-il voulu, de construire une véritable "doctrine politique", c'est-à-dire un ensemble, cohérent et bien charpenté, en la matière. Sa pensée n'en est pas moins très riche, en ce domaine comme en tous ceux auxquels il s'est intéressé, mais il nous paraît plus approprié de parler à son sujet d'"idées politiques" ou de "philosophie politique".Il existe une énorme littérature consacrée à saint Augustin. Depuis des siècles et jusqu'à nos jours ses œuvres, considérables, beaucoup plus que celles des autres Pères et Docteurs de l'Église, y compris le Docteur angélique lui-même, saint Thomas d'Aquin, ont fait l'objet d'innombrables citations, commentaires, interprétations, voire même déformations. Sa pensée, dans de nombreux domaines qu'il a abordés, a été abondamment étudiée. Tel est le cas, en particulier, de sa pensée politique. Celle-ci a été qualifiée diversement et comprise différemment, de façon souvent contradictoire, par les auteurs qui s'y sont intéressés.
Il est vrai qu'elle prêtait à de semblables controverses pour être parfois ambigue notamment en ce qui concerne la "Cité terrestre" opposée par lui, comme l'on sait, à la "Cité de Dieu" et la seule au sein de laquelle un pouvoir politique soit concevable. À plusieurs égards il la considère comme mauvaise, notamment parce que l'homme y domine sur l'homme contrairement au commandement divin, rapporté par la Genèse, selon lequel l'homme ne doit dominer que sur la bête. Il invoque encore en ce sens le fait qu'elle est fréquemment le théâtre de luttes intestines.
Cependant Augustin ne laisse pas de la déclarer bonne. Il ne pouvait en être autrement compte tenu de sa philosophie, héritée des Platoniciens, selon laquelle toute nature, tout ce qui est, est bon, le mal n'étant qu'une privation, une absence d'être. En conséquence, puisque la "Cité terrestre" est, elle ne peut être que bonne. Elle a, d'ailleurs, au cours de l'histoire, par exemple à Rome, inspiré des actes vertueux, et même héroïques.
Une telle cité, bien que paienne, a droit à l'obéissance de tous ses ressortissants, fussent-ils chrétiens. Cette obéissance due à la cité l'est a fortiori lorsque celle-ci est régie par des empereurs chrétiens, comme le furent Constantin et surtout Théodose, dont saint Augustin fait le modèle du prince chrétien.
Cet éloge de Théodose pose le problème des rapports entre l'Église et l'État tels qu'il les conçoit. On ne trouve pourtant pas chez lui de théorie relative à ces rapports, contrairement à ce que d'aucuns ont prétendu. Pour lui en effet l'Église et l'État sont indépendants, chacun dans sa sphère, même si ces deux pouvoirs ne peuvent s'ignorer et s'il attend du pouvoir temporel un secours contre le paganisme et les hérésies. Ainsi le voit-on recourir à l'Empereur dans son combatr contre les Donatistes. Mais il n'a jamais pour autant revendiqué une supériorité quelconque du pouvoir spirituel sur le pouvoir temporel comme le feront plus tard au Moyen Âge, les papes Innocent III et surtout Boniface VIII. Sur ce point tout particulièrement sa pensée a été déformée, certains auteurs ayant soutenu la thèse selon laquelle elle serait responsable de la dérive médiévale. Connue sous le nom d'"augustinisme politique" cette thèse est sans véritable fondement. Tout au plus pourrait-on invoquer en sa faveur quelques passages, toujours très courts, de certains textes augustiniens.
Il est vrai qu'elle prêtait à de semblables controverses pour être parfois ambigue notamment en ce qui concerne la "Cité terrestre" opposée par lui, comme l'on sait, à la "Cité de Dieu" et la seule au sein de laquelle un pouvoir politique soit concevable. À plusieurs égards il la considère comme mauvaise, notamment parce que l'homme y domine sur l'homme contrairement au commandement divin, rapporté par la Genèse, selon lequel l'homme ne doit dominer que sur la bête. Il invoque encore en ce sens le fait qu'elle est fréquemment le théâtre de luttes intestines.
Cependant Augustin ne laisse pas de la déclarer bonne. Il ne pouvait en être autrement compte tenu de sa philosophie, héritée des Platoniciens, selon laquelle toute nature, tout ce qui est, est bon, le mal n'étant qu'une privation, une absence d'être. En conséquence, puisque la "Cité terrestre" est, elle ne peut être que bonne. Elle a, d'ailleurs, au cours de l'histoire, par exemple à Rome, inspiré des actes vertueux, et même héroïques.
Une telle cité, bien que paienne, a droit à l'obéissance de tous ses ressortissants, fussent-ils chrétiens. Cette obéissance due à la cité l'est a fortiori lorsque celle-ci est régie par des empereurs chrétiens, comme le furent Constantin et surtout Théodose, dont saint Augustin fait le modèle du prince chrétien.
Cet éloge de Théodose pose le problème des rapports entre l'Église et l'État tels qu'il les conçoit. On ne trouve pourtant pas chez lui de théorie relative à ces rapports, contrairement à ce que d'aucuns ont prétendu. Pour lui en effet l'Église et l'État sont indépendants, chacun dans sa sphère, même si ces deux pouvoirs ne peuvent s'ignorer et s'il attend du pouvoir temporel un secours contre le paganisme et les hérésies. Ainsi le voit-on recourir à l'Empereur dans son combatr contre les Donatistes. Mais il n'a jamais pour autant revendiqué une supériorité quelconque du pouvoir spirituel sur le pouvoir temporel comme le feront plus tard au Moyen Âge, les papes Innocent III et surtout Boniface VIII. Sur ce point tout particulièrement sa pensée a été déformée, certains auteurs ayant soutenu la thèse selon laquelle elle serait responsable de la dérive médiévale. Connue sous le nom d'"augustinisme politique" cette thèse est sans véritable fondement. Tout au plus pourrait-on invoquer en sa faveur quelques passages, toujours très courts, de certains textes augustiniens.
Année
2003
Type
Article
Titre du périodique
Titre court
R.H.D.
Numéro
2003, T.81, pp. 309-326.
Mot-clé
Pouvoir politique
Cité de Dieu
Augustin d'Hippone (Saint)
Cité de Dieu
Augustin d'Hippone (Saint)