Les archevêques d’Arles, l’hérésie et la centralisation romaine (milieu XIe-début XIIIe siècle)
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Titre
Les archevêques d’Arles, l’hérésie et la centralisation romaine (milieu XIe-début XIIIe siècle)
Résumé de l'article :
L’article retrace, sur une période longue, l’histoire du déploiement du discours antihérétique en Provence tout en mettant en valeur les réseaux des défenseurs de l’orthodoxie. On constate tout d’abord une activité soutenue des archevêques d’Arles dans la lutte contre l’hérésie, aussi bien à l’échelle de la Chrétienté qu’à l’échelle locale. Sur un siècle et demi, l’hérésie méridionale semble toujours naître au contact des deux échelles de pouvoir, la globale et la locale.
Pendant la première période analysée (1046-1080), celle du lancement du programme grégorien, l’archevêque Raimbaud d’Arles apparaît comme pionnier de la lutte antisimoniaque. Lors des conciles de Pavie et de Sutri (1046), il fréquente les grands protagonistes de la réforme romaine et participe à la condamnation de prélats italiens accusés de <i>simoniaca haeresis</i>. Une dizaine d’années après, ce type d’accusation, développé à l’échelle de la Chrétienté, se diffuse à l’échelle locale. Jusqu’en 1080, la lutte contre la <i>simoniaca haeresis</i>, devenue attribut des forces politiques légitimes, continue à jouer un rôle important dans la valorisation du siège d’Arles au sein de l’Église provençale.
Pendant la deuxième période étudiée (première moitié du XIIe siècle), les conciles locaux, dirigés par les papes ou leurs légats, génèrent un nouveau discours antihérétique qui se développe depuis l’échelle locale jusqu’à celle de la Chrétienté. Atton d’Arles et d’autres prélats du Midi assistent au concile de Toulouse (1119), lors duquel le pape Calixte II fait de la contestation des sacrements de l’Église l’hérésie majeure à combattre. Les formules employées par cette assemblée pour décrire la contestation religieuse sont reprises, vingt ans après, lors du concile œcuménique de Latran II. En 1134/1135, Bernard Garin fait saisir l’hérétique Henri qui était déjà apparu dans d’autres contextes locaux. Envoyé devant le concile de Pise et « appelé généralement hérétique », il devient le premier hérétique du Moyen Âge condamné à l’échelle de la Chrétienté. L’archevêque d’Arles, Guillaume Moine, en composant son traité <i>Contra Henricum schismaticum et hereticum<i>, est l’un des premiers à relever le défi ecclésiologique qu’il incarne.
En prenant en considération la troisième période (1150-1208), il s’avère pleinement que le discours antihérétique local évolue au rythme de la centralisation romaine et en fonction de l’intensité des contacts entre les prélats locaux et Rome. Lorsque, durant le schisme alexandrin (1159-1177), les archevêques d’Arles, Raimond Ier et Raimond II, décident de se couper du pape Alexandre III qui incarnait le plus les valeurs de la réforme grégorienne, le thème de l’hérésie, devenu moins important dans la légitimation politique, disparaît des sources locales. Mais aussitôt retournés dans l’alliance avec Rome lors du concile de Latran III, les prélats arlésiens renouent avec le combat antihérétique. Au fur et à mesure que celui-ci se territorialisé et se focalise sur la <i>Terra Albigensis</i>, la cité d’Arles commence à apparaître comme tête de pont de l’orthodoxie face à un Languedoc hérétique.
Dans l’ensemble, la réforme grégorienne crée des critères de légitimité plus fermes pour l’épiscopat et des règles de subordination plus contraignantes pour les fidèles. Le cadre discursif qu’elle offre aux élites ecclésiastiques et laïques constitue une nouvelle donne dans les luttes pour la suprématie locale. La notion d’hérésie se développe au fur et à mesure que les valeurs grégoriennes pénètrent dans la société.
Résumé de l'article :
L’article retrace, sur une période longue, l’histoire du déploiement du discours antihérétique en Provence tout en mettant en valeur les réseaux des défenseurs de l’orthodoxie. On constate tout d’abord une activité soutenue des archevêques d’Arles dans la lutte contre l’hérésie, aussi bien à l’échelle de la Chrétienté qu’à l’échelle locale. Sur un siècle et demi, l’hérésie méridionale semble toujours naître au contact des deux échelles de pouvoir, la globale et la locale.
Pendant la première période analysée (1046-1080), celle du lancement du programme grégorien, l’archevêque Raimbaud d’Arles apparaît comme pionnier de la lutte antisimoniaque. Lors des conciles de Pavie et de Sutri (1046), il fréquente les grands protagonistes de la réforme romaine et participe à la condamnation de prélats italiens accusés de <i>simoniaca haeresis</i>. Une dizaine d’années après, ce type d’accusation, développé à l’échelle de la Chrétienté, se diffuse à l’échelle locale. Jusqu’en 1080, la lutte contre la <i>simoniaca haeresis</i>, devenue attribut des forces politiques légitimes, continue à jouer un rôle important dans la valorisation du siège d’Arles au sein de l’Église provençale.
Pendant la deuxième période étudiée (première moitié du XIIe siècle), les conciles locaux, dirigés par les papes ou leurs légats, génèrent un nouveau discours antihérétique qui se développe depuis l’échelle locale jusqu’à celle de la Chrétienté. Atton d’Arles et d’autres prélats du Midi assistent au concile de Toulouse (1119), lors duquel le pape Calixte II fait de la contestation des sacrements de l’Église l’hérésie majeure à combattre. Les formules employées par cette assemblée pour décrire la contestation religieuse sont reprises, vingt ans après, lors du concile œcuménique de Latran II. En 1134/1135, Bernard Garin fait saisir l’hérétique Henri qui était déjà apparu dans d’autres contextes locaux. Envoyé devant le concile de Pise et « appelé généralement hérétique », il devient le premier hérétique du Moyen Âge condamné à l’échelle de la Chrétienté. L’archevêque d’Arles, Guillaume Moine, en composant son traité <i>Contra Henricum schismaticum et hereticum<i>, est l’un des premiers à relever le défi ecclésiologique qu’il incarne.
En prenant en considération la troisième période (1150-1208), il s’avère pleinement que le discours antihérétique local évolue au rythme de la centralisation romaine et en fonction de l’intensité des contacts entre les prélats locaux et Rome. Lorsque, durant le schisme alexandrin (1159-1177), les archevêques d’Arles, Raimond Ier et Raimond II, décident de se couper du pape Alexandre III qui incarnait le plus les valeurs de la réforme grégorienne, le thème de l’hérésie, devenu moins important dans la légitimation politique, disparaît des sources locales. Mais aussitôt retournés dans l’alliance avec Rome lors du concile de Latran III, les prélats arlésiens renouent avec le combat antihérétique. Au fur et à mesure que celui-ci se territorialisé et se focalise sur la <i>Terra Albigensis</i>, la cité d’Arles commence à apparaître comme tête de pont de l’orthodoxie face à un Languedoc hérétique.
Dans l’ensemble, la réforme grégorienne crée des critères de légitimité plus fermes pour l’épiscopat et des règles de subordination plus contraignantes pour les fidèles. Le cadre discursif qu’elle offre aux élites ecclésiastiques et laïques constitue une nouvelle donne dans les luttes pour la suprématie locale. La notion d’hérésie se développe au fur et à mesure que les valeurs grégoriennes pénètrent dans la société.
Auteur
BRUNN, Uwe
Année
2013
Type
Article
Titre du périodique
Numéro
2013, n° 48, <i>La réforme « grégorienne » dans le Midi (milieu XIe-début XIIe siècle)</i>, p. 131-155
Mot-clé
Réforme grégorienne
Centralisation romaine
Archevêques - Archevêchés
Arles (Bouches-du-Rhône)
Villes - Villages
Provence
Hérésies - Hérétiques
Simonie
Languedoc
XIe, XIIe, XIIIe
Centralisation romaine
Archevêques - Archevêchés
Arles (Bouches-du-Rhône)
Villes - Villages
Provence
Hérésies - Hérétiques
Simonie
Languedoc
XIe, XIIe, XIIIe
URL
DOI : https://doi.org/10.3406/cafan.2013.2167
www.persee.fr/doc/cafan_0575-061x_2013_act_48_1_2167
www.persee.fr/doc/cafan_0575-061x_2013_act_48_1_2167