L’arbre au(x) pendu(s) dans l’iconographie de Jacques Callot.

Titre

Edition

in <i>Arbres remarqués, arbres remarquables. Cahier d'études n°20. Forêt, Environnement et Société, XVIe-XXe siècle</i>.

Auteur

DANGUY, Laurence
LORMANT, François

Résumé

L’arbre aux pendus est l’une des variations de l’arbre les plus continûment représentées dans l’iconographie populaire. Il s’agit à l’origine d’un motif historié, reproduit sur des gravures chargées de délivrer un message à forte connotation morale. Associé au châtiment des brigands durant le Moyen Âge, il symbolise primitivement le rendu de la justice populaire, d’où son nom d’« arbre de justice ». Il soutient alors l’idée d’un nécessaire respect de l’ordre séculier sous peine de la punition suprême dans les mondes terrestre (la mort par pendaison) et céleste (la condamnation à l’enfer). Durant la guerre de trente ans, il restitue une réalité de terreur, puisque chaque village dispose de son arbre aux pendus – de tels « arbres remarquables » sur le plan patrimonial ont du reste subsisté jusqu’à fort récemment (« Arbre des pendus » de la commune alsacienne de Bellamagny). La surface symbolique de l’arbre aux pendus se distend à ce moment, évoluant de l’idée d’un châtiment individuel vers celle de représailles collectives. Ainsi qu’en témoigne la très célèbre gravure de Jacques Callot (Les misères de la guerre, 1633), son iconographie continue d’être servie par un commentaire moralisant reprenant la rhétorique punitive et religieuse de l’arbre de justice médiéval. Autant planté dans le ciel que dans la terre, le motif incorpore une angoisse collective qui sera réaménagée individuellement deux siècles plus tard dans les courants romantiques et post-romantiques. L’arbre aux pendus servira alors à accrocher les sentiments mortifères de l’intime. Au tournant du XXe siècle, Alfred Kubin en livrera une version absolument saisissante. Le motif est par la suite régulièrement réinterprété jusque dans l’hyper-contemporain dans différents médiums, en particulier dans des dessins en noir et blanc non sans parenté avec l’estampe (Guy Michel, Ballade des pendus), des photographies hyperréalistes ou néo-pictorialistes (Valérie Figeac, L’arbre du pendu).
Les regards croisés d’une historienne de l’Art et d’un historien du Droit offrent des différences de perceptions d’un même objet (une gravure) et d’un même sujet (l’arbre aux pendus). En repérant points de convergence et de divergence, tant au niveau iconographique que symbolique, il est ainsi possible d’en préciser le périmètre symbolique et formel. Suivre son évolution dans l’histoire permet par ailleurs de repérer ses renégociations symboliques et formelles, de mettre aussi en évidence sa dimension de figure majeure de l’imaginaire collectif.