L’usure en procès. Le gouvernement économique de l’Église au temps des papes d’Avignon (milieu du XIVe siècle - début du XVe siècle). [Thèse].
Item
Titre
L’usure en procès. Le gouvernement économique de l’Église au temps des papes d’Avignon (milieu du XIVe siècle - début du XVe siècle). [Thèse].
[Thèse de l'École des chartes, 2011].
Introduction de la thèse :
La doctrine ecclésiastique de l’usure élaborée au cours du Moyen Âge, nourrie des nombreuses références bibliques et patristiques et de la redécouverte des réflexions aristotéliciennes sur le sujet, proclamait l’interdiction de l’usure entendue comme tout gain, qu’il fût modique ou excessif, provenant d’un prêt pur et simple nommé <i>mutuum</i> ou d’un prêt déguisé sous la forme d’un autre contrat. L’usure était d’abord prohibée en tant que moyen d’oppression du pauvre soumis aux contraintes de son créancier dans un rapport contractuel inégal, avant d’être justifiée par des arguments théoriques dont l’œuvre de Thomas d’Aquin offre la plus claire expression. La position de l’Église contre l’usure se heurtait cependant au développement du crédit causé par la commercialisation croissante de l’économie à partir du XIIIe siècle. La forte expansion des pratiques de crédit au sein même de la communauté chrétienne conduisait l’Église à forger une véritable éthique économique chrétienne destinée à encadrer les comportements des laïcs.
Si les historiens des idées et de la religion ont beaucoup étudié les évolutions doctrinales de la condamnation de l’usure, cherchant à sonder dans le sillage de Marx et Weber les rapports entre institution ecclésiale et développement économique et à mesurer l’impact de la prohibition de l’usure sur la naissance du capitalisme, la pratique de l’usure et la poursuite des usuriers par les autorités ecclésiastiques n’ont pas suscité le même intérêt. Le crédit a certes eu la faveur des historiens de l’économie, qui ont mis en avant depuis quelques années la place cruciale du crédit dans la société médiévale, au-delà des groupes sociaux traditionnellement associés au prêt que sont les juifs et les Lombards, ainsi que l’endettement généralisé à tous les niveaux de l’échelle sociale. Mais l’étude des acteurs et des pratiques de crédit s’appuie principalement sur des archives notariales, qui, sous une apparente conformité aux prescriptions religieuses, passent sous silence la part d’usure contenue dans les contrats d’obligation. Quant aux archives judiciaires mises à profit par les historiens, elles concernent surtout les procédures instiguées contre les débiteurs défaillants dont témoignent les registres de « lates » et les registres d’écrous en cas de prison pour dette.
Il convenait donc d’appréhender d’autres sources pragmatiques pour élargir la connaissance des activités usuraires, comprendre les ressorts des poursuites entreprises par les pouvoirs ecclésiastiques contre les usuriers à la fin du Moyen Âge, et enrichir ainsi des apports des actes de la pratique le débat historiographique sur le rapport de l’Église à l’usure. Les informations tirées d’une série d’enquêtes et de procédures pontificales des XIVe et XVe siècles ont permis d’envisager sous un nouvel angle les qualifications judiciaires de l’usure, la nature des comportements usuraires et la condamnation des manquements aux normes économiques établies par l’Église. Le croisement des différentes sources judiciaires a orienté la réflexion selon deux axes, qui s’interrogent d’une part sur les moyens mis en œuvre par la papauté contre les usuriers à travers un encadrement judiciaire spécifique et l’utilisation d’une procédure inquisitoriale et sommaire efficace, et d’autre part sur la volonté pontificale de normaliser les comportements économiques par la voie du procès, aussi bien dans la définition et la publicisation de l’illicite que dans la répression ou plutôt l’administration de ces écarts de comportement. L’étude de la production documentaire conduit en effet à se demander dans quelle mesure les enquêtes et procédures pontificales contre les usuriers constituent un mode de gouvernement qui tend moins à éradiquer les pratiques usuraires qu’à maintenir les usuriers sous le joug de l’Église par le biais de restitutions salvatrices, traduisant un idéal théocratique dans lequel les papes sont maîtres des échanges économiques.
[Thèse de l'École des chartes, 2011].
Introduction de la thèse :
La doctrine ecclésiastique de l’usure élaborée au cours du Moyen Âge, nourrie des nombreuses références bibliques et patristiques et de la redécouverte des réflexions aristotéliciennes sur le sujet, proclamait l’interdiction de l’usure entendue comme tout gain, qu’il fût modique ou excessif, provenant d’un prêt pur et simple nommé <i>mutuum</i> ou d’un prêt déguisé sous la forme d’un autre contrat. L’usure était d’abord prohibée en tant que moyen d’oppression du pauvre soumis aux contraintes de son créancier dans un rapport contractuel inégal, avant d’être justifiée par des arguments théoriques dont l’œuvre de Thomas d’Aquin offre la plus claire expression. La position de l’Église contre l’usure se heurtait cependant au développement du crédit causé par la commercialisation croissante de l’économie à partir du XIIIe siècle. La forte expansion des pratiques de crédit au sein même de la communauté chrétienne conduisait l’Église à forger une véritable éthique économique chrétienne destinée à encadrer les comportements des laïcs.
Si les historiens des idées et de la religion ont beaucoup étudié les évolutions doctrinales de la condamnation de l’usure, cherchant à sonder dans le sillage de Marx et Weber les rapports entre institution ecclésiale et développement économique et à mesurer l’impact de la prohibition de l’usure sur la naissance du capitalisme, la pratique de l’usure et la poursuite des usuriers par les autorités ecclésiastiques n’ont pas suscité le même intérêt. Le crédit a certes eu la faveur des historiens de l’économie, qui ont mis en avant depuis quelques années la place cruciale du crédit dans la société médiévale, au-delà des groupes sociaux traditionnellement associés au prêt que sont les juifs et les Lombards, ainsi que l’endettement généralisé à tous les niveaux de l’échelle sociale. Mais l’étude des acteurs et des pratiques de crédit s’appuie principalement sur des archives notariales, qui, sous une apparente conformité aux prescriptions religieuses, passent sous silence la part d’usure contenue dans les contrats d’obligation. Quant aux archives judiciaires mises à profit par les historiens, elles concernent surtout les procédures instiguées contre les débiteurs défaillants dont témoignent les registres de « lates » et les registres d’écrous en cas de prison pour dette.
Il convenait donc d’appréhender d’autres sources pragmatiques pour élargir la connaissance des activités usuraires, comprendre les ressorts des poursuites entreprises par les pouvoirs ecclésiastiques contre les usuriers à la fin du Moyen Âge, et enrichir ainsi des apports des actes de la pratique le débat historiographique sur le rapport de l’Église à l’usure. Les informations tirées d’une série d’enquêtes et de procédures pontificales des XIVe et XVe siècles ont permis d’envisager sous un nouvel angle les qualifications judiciaires de l’usure, la nature des comportements usuraires et la condamnation des manquements aux normes économiques établies par l’Église. Le croisement des différentes sources judiciaires a orienté la réflexion selon deux axes, qui s’interrogent d’une part sur les moyens mis en œuvre par la papauté contre les usuriers à travers un encadrement judiciaire spécifique et l’utilisation d’une procédure inquisitoriale et sommaire efficace, et d’autre part sur la volonté pontificale de normaliser les comportements économiques par la voie du procès, aussi bien dans la définition et la publicisation de l’illicite que dans la répression ou plutôt l’administration de ces écarts de comportement. L’étude de la production documentaire conduit en effet à se demander dans quelle mesure les enquêtes et procédures pontificales contre les usuriers constituent un mode de gouvernement qui tend moins à éradiquer les pratiques usuraires qu’à maintenir les usuriers sous le joug de l’Église par le biais de restitutions salvatrices, traduisant un idéal théocratique dans lequel les papes sont maîtres des échanges économiques.
Auteur
GABAUDE, Elsa
Année
2011
Type
Thèse
Mot-clé
Administration pontificale
Histoire économique
Papes - Papauté
Papes d'Avignon
Usure - Usuriers
Crédit
Procès (XIVe siècle)
Procès (XVe siècle)
Histoire économique
Papes - Papauté
Papes d'Avignon
Usure - Usuriers
Crédit
Procès (XIVe siècle)
Procès (XVe siècle)