Des dommages et des hommes : les économies du malheur dans les Alpes (XVIIIe-XIXe siècles). [Thèse].
Item
Titre
Des dommages et des hommes : les économies du malheur dans les Alpes (XVIIIe-XIXe siècles). [Thèse].
Thèse de doctorat, Histoire, Grenoble, 2012.
Résumé de la thèse :
Cette enquête vise à proposer une issue à un problème simple : l'histoire des rapports entre nature et société dans les Alpes au XVIIIe et au XIXe siècles ne peut se faire qu'au prix d'une intense réflexion sur les instruments d'objectivation de ces rapports, c'est-à-dire au prix d'une remise en question de ce qui est naturel pour l'enquête historique (Livre 1). En repoussant les schèmes de pensée qui accueillent si aisément au sein de l'analyse, la nature naturelle du naturaliste du siècle des Lumières, il s'agira de se rendre capable de prendre en considération le type de relation que l'immense majorité des individus a toujours entretenu avec certains non-humains jusqu'à une époque très récente : ce qu'on doit appeler la nature-propriété. Sous l'Ancien Régime, la nature était toujours et avant tout quelque chose que quelqu'un possédait juridiquement avant d'être quelque chose qu'une infime minorité regardait, contemplait ou observait. Cette chose constituait l'individu propriétaire : elle le renforçait, augmentait sa puissance d'agir, l'enrichissait face aux autres ; ce qu'on peut désigner par la « nature-richesse(+) » qui servit à l'État pour le calcul des capacités contributives de ces propriétaires contribuables sur lesquels reposaient la stabilité du collectif politique et la richesse nationale (Livre 2). Dans certaines situations particulières, appelées « accidents » par les acteurs, cette nature a aussi pu apparaître comme une nature-perte : lorsque ces propriétaires contribuables perdaient tout ou partie de leur nature-propriété. Cette perte les affaiblissait, diminuait leur puissance d'agir, les appauvrissait face aux autres ; ce qu'on peut désigner par la « nature-richesse(–) » qui conduisit le collectif politique, auquel appartenaient ces individus diminués face aux autres, à instituer des procédures permettant de réévaluer puis de compenser les variations, passagères ou définitives, de leur capacité contributive individuelle (Livre 3). Ainsi, au lieu de se servir des discontinuités naturelles pour penser les discontinuités sociales, les sujets dauphinois, puis, plus tard, les citoyens isérois, utilisèrent les catégories élémentaires de la vie sociale, en l'occurrence l'impôt et la propriété, pour penser leurs rapports à certains non-humains comme la terre, la forêt, l'orage, la grêle, l'eau, le bétail, les fruits, l'herbe et les montagnes. Or, cette perspective d'analyse n'apparaît renversée que pour l'enquêteur qui a déjà la tête à l'envers ; la possibilité d'écrire cette histoire sans renverser personne est précisément l'enjeu d'une refonte de la perspective d'analyse classique de l'histoire environnementale. Ce travail rend donc compte des raisons pour lesquelles il ne faut plus étudier les « inter-relations entre nature et culture », et des efforts à fournir pour parvenir à « écrire la nature » : en se donnant les moyens réflexifs de décrire des systèmes de relations complexes, largement produits au sein du champ bureaucratique de l'État moderne, pour établir des grilles d'équivalence naturelles entre les individus, selon un critère social naturalisant : la richesse. Une telle approche permet alors de comprendre comment la nature a pu rendre pauvre et comment se sont co-construits les processus de naturalisation de la pauvreté et d'objectivation de la nature (Livre 4).
Thèse de doctorat, Histoire, Grenoble, 2012.
Résumé de la thèse :
Cette enquête vise à proposer une issue à un problème simple : l'histoire des rapports entre nature et société dans les Alpes au XVIIIe et au XIXe siècles ne peut se faire qu'au prix d'une intense réflexion sur les instruments d'objectivation de ces rapports, c'est-à-dire au prix d'une remise en question de ce qui est naturel pour l'enquête historique (Livre 1). En repoussant les schèmes de pensée qui accueillent si aisément au sein de l'analyse, la nature naturelle du naturaliste du siècle des Lumières, il s'agira de se rendre capable de prendre en considération le type de relation que l'immense majorité des individus a toujours entretenu avec certains non-humains jusqu'à une époque très récente : ce qu'on doit appeler la nature-propriété. Sous l'Ancien Régime, la nature était toujours et avant tout quelque chose que quelqu'un possédait juridiquement avant d'être quelque chose qu'une infime minorité regardait, contemplait ou observait. Cette chose constituait l'individu propriétaire : elle le renforçait, augmentait sa puissance d'agir, l'enrichissait face aux autres ; ce qu'on peut désigner par la « nature-richesse(+) » qui servit à l'État pour le calcul des capacités contributives de ces propriétaires contribuables sur lesquels reposaient la stabilité du collectif politique et la richesse nationale (Livre 2). Dans certaines situations particulières, appelées « accidents » par les acteurs, cette nature a aussi pu apparaître comme une nature-perte : lorsque ces propriétaires contribuables perdaient tout ou partie de leur nature-propriété. Cette perte les affaiblissait, diminuait leur puissance d'agir, les appauvrissait face aux autres ; ce qu'on peut désigner par la « nature-richesse(–) » qui conduisit le collectif politique, auquel appartenaient ces individus diminués face aux autres, à instituer des procédures permettant de réévaluer puis de compenser les variations, passagères ou définitives, de leur capacité contributive individuelle (Livre 3). Ainsi, au lieu de se servir des discontinuités naturelles pour penser les discontinuités sociales, les sujets dauphinois, puis, plus tard, les citoyens isérois, utilisèrent les catégories élémentaires de la vie sociale, en l'occurrence l'impôt et la propriété, pour penser leurs rapports à certains non-humains comme la terre, la forêt, l'orage, la grêle, l'eau, le bétail, les fruits, l'herbe et les montagnes. Or, cette perspective d'analyse n'apparaît renversée que pour l'enquêteur qui a déjà la tête à l'envers ; la possibilité d'écrire cette histoire sans renverser personne est précisément l'enjeu d'une refonte de la perspective d'analyse classique de l'histoire environnementale. Ce travail rend donc compte des raisons pour lesquelles il ne faut plus étudier les « inter-relations entre nature et culture », et des efforts à fournir pour parvenir à « écrire la nature » : en se donnant les moyens réflexifs de décrire des systèmes de relations complexes, largement produits au sein du champ bureaucratique de l'État moderne, pour établir des grilles d'équivalence naturelles entre les individus, selon un critère social naturalisant : la richesse. Une telle approche permet alors de comprendre comment la nature a pu rendre pauvre et comment se sont co-construits les processus de naturalisation de la pauvreté et d'objectivation de la nature (Livre 4).
Auteur
KRAUTBERGER, Nicolas
Année
2012
Type
Thèse
Mot-clé
Histoire sociale
Histoire économique
Alpes
Histoire de l'environnement
Aléas climatiques
Impôts - Fiscalité
Dauphiné
Calamités naturelles
XVIIIe, XIXe
Histoire économique
Alpes
Histoire de l'environnement
Aléas climatiques
Impôts - Fiscalité
Dauphiné
Calamités naturelles
XVIIIe, XIXe